Comment vivre 100 ans
Province d’Ogliastra, île de la Sardaigne, Italie
Giacobba Lepori, 104 ans
Villagrande, province d’Ogliastra, île de la Sardaigne, Italie
Je m’habille toujours entièrement de noir et je porte un voile noir sur la tête parce que mon mari est mort et que la tradition veut qu’une veuve se vête ainsi. Je ne sais pas ce qui va m’arriver à la fin de ma vie. Personne ne sait, mais je n’ai pas peur de la mort.
Natale Lotto, 88 ans
Villagrande, province d’Ogliastra, île de la Sardaigne, Italie
Comme berger, j’ai toujours été très pauvre et j’ai eu la vie dure. J’ai passé ma vie à marcher dehors, beau temps, mauvais temps, de jour comme de nuit. Comme la plupart des bergers de la Sardaigne, j’ai commencé à travailler très jeune et je n’ai pas eu beaucoup d’éducation, c’est pourquoi il m’est difficile de m’exprimer avec aisance quand les journalistes viennent m’interroger. De plus, je me trouve laid sur les photos, je parais vieux.
Cela dit, je suis plutôt satisfait de ma vie. Chaque matin, je m’occupe de nourrir le bétail; ça me plaît de travailler un peu pour rester occupé. Tant qu’on le peut, il faut continuer à travailler. Aujourd’hui par exemple, j’ai été jardiner. Je cultive de tout : patates, fèves, zucchinis, tomates, tout. Mon jardin nourrit six différents foyers au sein de ma parenté.
100 ans, âge de beauté
Arianne Clément présente une série de portraits photographiques de femmes centenaires sur le thème des rituels de beauté.
Au cours de ses rencontres avec une dizaine de centenaires, Arianne s’est intéressée aux efforts que ces femmes font ou ne font pas pour bien paraître et aux enjeux auxquels elles font face. Elle les a aussi questionné sur la jeunesse, la vieillesse, le féminisme, la sexualité, le charme, la coquetterie, l’amour, etc.
À travers ces femmes, Arianne cherche à questionner la relation que la société entretient avec la beauté et ses critères, ainsi que son obsession pour l'apparence et l'immédiateté de la jeunesse. Elle cherche aussi à donner la parole et à mettre en valeur ces femmes dont la beauté est rarement mise de l’avant.
«Personnellement, je me trouve belle et, quand je ne le suis pas, je m’arrange pour l’être! J’aime être bien coiffée et porter des bijoux, des robes et des accessoires. J’ai toujours été coquette; d’ailleurs on me surnomme «la fraîche».» Marie-Berthe Paquette, 102 ans, Montréal, 2016
«Quand j’étais jeune j’avais de longs cheveux, de belles jambes et des rondeurs. Les jeunes filles d’aujourd’hui recherchent la minceur mais je trouve que la vraie beauté est la beauté naturelle. Nous sommes comme nous sommes et le reste n’a pas d’importance...» Anne-Marie Pronovost, 100 ans, Sutton, 2016
«Je suis une personne très sobre et rationnelle et je n’ai pas une grande sensibilité à la beauté et à l’art. Je viens d’une famille très pauvre et il n’était pas question de gaspiller de l’argent pour aller chez la coiffeuse ou pour acheter des accessoires futiles. C’est par nécessité que je faisais de la couture. Par exemple, je fabriquais pour mes sœurs des robes en poches de sucre de coton.» Alida Provost, décédée en 2016 à l’âge de 101 ans, Granby, 2016
«Je me trouve définitivement laide. Quand on vieillit, la beauté s’en va. Le nez et les oreilles grossissent, la démarche change, le dos s’arrondit. Il y en a des pires que moi, mais je ne suis pas belle du tout. Cependant, j’aime vivre et j’ai confiance en l’avenir, bien que l’avenir soit court à 100 ans.» Jeannette Ballard, 100 ans, Granby, 2016
«La beauté me préoccupe plus aujourd’hui que lorsque j’étais jeune. J’aime être habillée passablement bien, porter des robes belles, simples et pratiques. Je mets du fond de teint et du parfum tous les matins, du rouge à lèvre à chaque repas et je vais me faire coiffer chaque semaine. Je fais aussi attention de ne pas manger trop riche et trop sucré. Avant j’aimais porter des colliers mais je ne suis plus capable de les attacher alors j’ai laissé tomber.» Solange Racine, 101 ans, Granby, 2016
«Plutôt que d’entretenir la beauté physique, qui est superficielle, je conseille aux jeunes femmes d’entretenir la beauté autour d’elles-mêmes. On peut jardiner, faire du dessin, jouer de la musique, etc. Il faut avoir une belle façon d’agir, être indépendante et se cultiver continuellement.» Madeleine Beaugrand Champagne, 101 ans, St-Bruno de Montarville, 2016
«Lise Provost (à droite) nous parle de sa mère: Bien qu’on lui disait constamment qu’elle était belle ma mère s’est toujours trouvée laide. Elle répétait qu’elle avait une face de singe et elle n’aimait pas ses rondeurs. Ma mère suivait régulièrement des régimes. Il y a eu des époques sans patate, sans pain ou sans dessert. Elle a aussi essayé différentes pilules amaigrissantes.» Laure Saucier, décédée en 2016 à l’âge de 101 ans, Acton Vale, 2016
Mon père était artiste peintre et artisan et il m’a transmis son amour pour l’art. Pour moi, tout ce qui est artistique est beau : le théâtre, les cadres, les poèmes, la peinture, les fleurs, les chansons. Chez une personne, c’est la personnalité, la figure, le sourire et les yeux qui comptent. Ceci dit, mon plus grand regret dans la vie est de ne pas avoir eu d’instruction. Quand on s’instruit, toutes les portes s’ouvrent; autrement, on a honte. Marie-Berthe Paquette, 102 ans, Montréal, 2016
«Jeune fille, je n’avais pas le temps d’être capricieuse. On était pauvres et on travaillait tout le temps. Il fallait faire le train, ramasser les framboises, s’occuper des bébés, cuisiner, faire les foins, faire le ménage, laver les enfants, et tout ça sans électricité. On n’avait pas le temps de penser à la beauté.» Solange Racine, 101 ans, Granby, 2016
«Quand j’étais plus jeune, comme toutes les femmes, je voulais plaire. Je me frisais les cheveux, je portais de belles tenues que ma mère me fabriquait et je souffrais dans mes talons hauts. Par contre, je n’ai jamais porté de maquillage; je trouvais ça faux. J’ai épousé mon mari parce qu’il était beau, ce que j’ai bien regretté; ce n’était pas un très bon mari et j’ai fini par le «sacrer dehors».» Madeleine Beaugrand Champagne, 101 ans, St-Bruno de Montarville, 2016
Mon mari était un très beau garçon. Il avait de beaux cheveux frisés et on l’appelait «Willie la coche». Pour lui, c’était important d’être toujours bien vêtu. Quand il partait travailler dans les camps de bûcherons, il vendait son habit et s’en rachetait un flambant neuf à son retour. L’envers de la médaille c’est qu’il était flirt et un peu volage; il aimait toutes les femmes et il buvait trop. Mais il faut savoir pardonner. Anne-Marie Pronovost, 100 ans, Sutton, 2016
C’est certain qu’il vaut mieux être beau que laid ! Mais quand j’étais jeune, je ne m’occupais pas de ça. C’était péché. On appelait ça la vanité. L’important c’était la famille, faire à manger et que les enfants soient propres et bien habillés. J’ai beaucoup de chance car aujourd’hui c’est ma fille (à droite) qui s’occupe de moi. Elle m’a accueilli chez elle il y a 20 ans et je suis encore là. C’est vraiment la famille qui compte le plus dans la vie. Isabelle Gagnon, 103 ans, Clermont, 2016
Lise Provost nous parle de sa mère: Elle était amoureuse de mon père et je crois qu’elle était inquiète de ne pas être à la hauteur. Elle portait toujours du rouge à lèvre, du fard a joues, des talons hauts, des boucles d’oreilles, des cheveux bouclés, du parfum. Le soir, elle allait se coucher avec des bandelettes de coton qu’elle passait sous son menton et attachait au dessus de sa tête en espérant remonter son double menton. Laure Saucier, décédée en 2016 à l’âge de 101 ans, Acton Vale, 2016
«Le mot beauté évoque pour moi les grands auteurs français classiques et la musique. Quand j’étais jeune, j’avais toujours un livre à la main et j’étais douée en écriture. Sans vouloir me vanter, ma plume faisais des jaloux. Je rêvais de devenir pianiste mais je n’avais pas assez de talent. J’aime beaucoup Mozart mais c’est Beethoven qui me fait le plus vibrer.» Madeleine Beaugrand Champagne, 101 ans, St-Bruno de Montarville, 2016
15- Son fils, Rémi Beaugrand, nous parle de sa mère : Je crois que ma mère était complexée par sa taille car elle portait des corsets à baleines. Elle portait une attention particulière à ses cheveux avec lesquels elle faisait des tourbillons qu’elle faisait tenir à l’aide de bobépines. Elle a d’ailleurs déjà forcé un médecin à lui redonner des hormones car, sans ces hormones, elle perdait des cheveux. Alida Provost, décédée en 2016 à l’âge de 101 ans, Granby, 2016