Comment vivre 100 ans
Province d’Ogliastra, île de la Sardaigne, Italie
Giacobba Lepori, 104 ans
Villagrande, province d’Ogliastra, île de la Sardaigne, Italie
Je m’habille toujours entièrement de noir et je porte un voile noir sur la tête parce que mon mari est mort et que la tradition veut qu’une veuve se vête ainsi. Je ne sais pas ce qui va m’arriver à la fin de ma vie. Personne ne sait, mais je n’ai pas peur de la mort.
Natale Lotto, 88 ans
Villagrande, province d’Ogliastra, île de la Sardaigne, Italie
Comme berger, j’ai toujours été très pauvre et j’ai eu la vie dure. J’ai passé ma vie à marcher dehors, beau temps, mauvais temps, de jour comme de nuit. Comme la plupart des bergers de la Sardaigne, j’ai commencé à travailler très jeune et je n’ai pas eu beaucoup d’éducation, c’est pourquoi il m’est difficile de m’exprimer avec aisance quand les journalistes viennent m’interroger. De plus, je me trouve laid sur les photos, je parais vieux.
Cela dit, je suis plutôt satisfait de ma vie. Chaque matin, je m’occupe de nourrir le bétail; ça me plaît de travailler un peu pour rester occupé. Tant qu’on le peut, il faut continuer à travailler. Aujourd’hui par exemple, j’ai été jardiner. Je cultive de tout : patates, fèves, zucchinis, tomates, tout. Mon jardin nourrit six différents foyers au sein de ma parenté.
Comment vivre 100 ans
Archipel d’Okinawa, Japon
Umeto Yamashiro, 99 ans
Village d’Yomitan, archipel d’Okinawa, Japon
Plus jeune, j’avais un petit commerce sans prétention; je vendais des bricoles. C’était assez pour survivre, mais tout juste. Quand j’ai eu 80 ans, j’ai décidé de réaliser mon rêve de devenir danseuse. J’ai approché une troupe de danse traditionnelle okinawaïenne qui donne des spectacles pour les touristes et, comme j’étais vraiment déterminée à apprendre, on m’a donné ma chance. Maintenant, je suis danseuse étoile!
Je suis en parfaite santé, je n’ai pas de maladie et je ne prends aucun médicament. Lors de mon dernier examen médical, le médecin m’a avoué être jaloux de ma santé irréprochable. Le secret? Rire, rire et encore rire! Ne laisse pas la colère, la haine ou l’inquiétude t’habiter. Fais un effort pour aimer et accepter les autres. Sois actif, sors, fais la fête, danse, joue de la musique et embrasse la vie!
La mort de mon époux a été une libération. Mon mariage n’a pas toujours été facile, mais, à la fin de sa vie, mon mari m’a tout de même remercié et m’a dit que j’avais été une formidable épouse. Nous nous sommes donc quittés le cœur en paix.
Cela dit, j’adore être célibataire! Je batifole constamment avec les hommes, les jeunes aussi bien que les vieux. J’aime flirter, séduire, plaire, rigoler, taquiner les touristes en me comportant de façon affriolante. Je ne sors jamais sans avoir appliqué mon fond de teint et mon rouge à lèvres. J’ai même acheté un parfum luxueux que j’ai payé 130 $ américains. Je sens merveilleusement bon!
Seikichi Inmine, 90 ans
village de Nakijin, archipel d’Okinawa, Japon
Je suis très discipliné. Je me réveille à 3 heures tous les matins et je déjeune avec un peu de soupe miso, de riz et de légumes. Je ne mange jamais à plus de 80 % de ma faim.
Ensuite, je vais marcher une heure. Ça fait 20 ans que je pratique cette marche matinale et les rares fois où je n’ai pas pu faire ma marche, je me suis senti terriblement mal. Je m’occupe ensuite du jardin jusqu’à midi avant de manger avec ma femme et de faire une sieste en après-midi. Parfois, je vais jouer au golf avec mes copains. Je m’arrange toujours pour être rentré à la maison pour 18 heures 30 parce que, dans le noir, on risque de marcher sur des serpents venimeux.
Je fais attention à mon alimentation. Je cultive presque tout ce que je mange et je n’utilise aucun pesticide. Je suis presque autosuffisant, à part le miso et le riz.
Hamako Kikuyama, 92 ans
village d’Onna-son, archipel d’Okinawa, Japon
Je suis très sociale et très occupée. J’ai beaucoup d’amies avec qui je fais de nombreuses activités. Nous faisons des exercices aérobiques, des parties de golf, de la peinture, de la cuisine, de tout. Je suis aussi fermière et je vends mes produits au marché. Quand j’étais plus jeune, j’étais à l’emploi d’Américains, dans le domaine du tourisme; je vendais des billets de croisières. Lorsque j’ai pris ma retraite, à 70 ans, je m’ennuyais alors j’ai décidé de me lancer en agriculture pour me garder occupée et pour rencontrer des gens.
Quand j’étais jeune femme, c’était la guerre ici. Les soldats américains avaient réquisitionné notre maison, la plage était remplie de bateaux de guerre et il y avait des mines antipersonelles partout. Avec ma famille, nous nous étions creusé une cache dans les montagnes pour nous y réfugier, mais nous n’avions rien à manger. Ma grande sœur allait dans les villages pour voler des patates douces dans les jardins. C’est comme ça que nous avons survécu.
C’est difficile pour moi d’aborder ce sujet car cette période a été tellement douloureuse. Mais je n’ai pas de ressentiment envers les Américains; après tout, ils m’ont donné un emploi. Cela dit, je suis préoccupée par le conflit entre le Japon et la Corée du Nord. Il faut à tout prix éviter une autre guerre.
Il y a beaucoup de délinquance juvénile sur notre île et ça m’inquiète pour mes petits-enfants. Chaque fois que je regarde le lever du soleil, je prie pour eux; même si je ne suis pas religieuse, je prie.
Ryozen Tomoyose, 89 ans
village d’Onna-son, archipel d’Okinawa, Japon
Ma vie a commencé de façon abrupte. Quand j’avais 13 ans, mes deux grands frères ont été tués durant la guerre et ça a été une tragédie pour mes parents. Comme j’étais l’unique survivant de ma fratrie, j’ai voulu alléger leur douleur en me comportant de façon exemplaire. Je me suis abstenu de boire et de fumer et je me suis efforcé de prendre soin d’eux, de travailler dur et de les rendre fiers. Je n’ai pas de ressentiment envers les Américains qui ont tué mes frères. Je considère au contraire que les soldats américains ont été des victimes du conflit au même titre que nous l’avons été. Il y a longtemps que je leur ai pardonné. J’ai, d’ailleurs, de nombreux amis américains. Si je pouvais m’adresser directement à Donald Trump, je le supplierais d’éviter la guerre à tout prix. En tant qu’homme le plus puissant de la planète, il a ce pouvoir.
À chaque premier et quinzième jour du mois, je prie pour mes ancêtres et je leur offre du thé au jasmin et de la nourriture sur un petit autel aménagé dans le salon. C’est une pratique courante chez les anciens d’Okinawa, pratique qui nous vient des traditions chamanistes.
Je pense que le secret de la longévité est d’être actif. Je marche trente minutes par jour, beau temps mauvais temps, et je prends soin de mon jardin. Je suis aussi cultivateur de canne à sucre, ce qui est exigeant physiquement, et je fais de l’exercice au centre communautaire ainsi que des pompes et des étirements sur la plage. Je dors généralement 10 heures par nuit. Chaque matin, je prends un café avec des amis. L’amitié est primordiale; il faut entretenir des relations harmonieuses avec le plus grand nombre de gens possible.
Par chance, les aînés sont respectés à Okinawa; par exemple, lorsque nous avons des festins au village, nous avons l’honneur de manger les premiers. C’est une façon de nous rendre hommage que j'aime beaucoup.
Ma femme a tendance à chercher les conflits. Face à son caractère orageux, je n’ai d’autres choix que de me taire et d’endurer ses récriminations. Je reconnais qu’à une certaine époque, je n’étais pas assez reconnaissant envers elle. J’ai appris à mes dépens qu’il ne faut jamais critiquer les plats cuisinés par son épouse. Aujourd’hui, je complimente avec enthousiasme chacune de ses préparations culinaires, même les moins réussies.
Emiko Miyazato, 95 ans
village d’Ogimi-son, archipel d’Okinawa, Japon
En 1945, je travaillais dans une usine de construction aéronautique, près de la ville d’Hiroshima, quand la bombe nucléaire a explosé. De la préfecture où nous étions, mes collègues et moi avons regardé, complètement impuissants, le champignon atomique. À la suite de ce drame effroyable, j’ai longtemps milité contre la guerre; je donnais des conférences dans les écoles pour raconter aux enfants mon expérience et pour les sensibiliser à l’atrocité qu’est la guerre. Encore maintenant, c’est un sujet difficile à aborder et je suis incapable de retenir mes larmes quand j’en parle.
J’ai été infirmière, sage-femme et j’ai enseigné la harpe de Nagoya. Aujourd’hui, je vis seule mais je vais au centre de jour pour aînés quatre fois par semaine. C’est un endroit dynamique où je vois mes amis; je danse, je ris, je fais des casse-têtes, de l’origami, des exercices aérobiques et du karaoké.
Quand je suis à la maison, j’accomplis les tâches ménagères, j’étudie le sanshin, une guitare okinawaïenne traditionnelle, et je pratique toujours la harpe de Nagoya. Je dirais que la musique occupe 70 % de ma vie. Quand je joue, je n’ai aucune préoccupation et je suis entièrement dans le moment présent; la musique est un incroyable réconfort.
Karyou Akayama, 97 ans
cité d’Urasoe, archipel d’Okinawa, Japon
J’ai eu une bonne carrière comme calligraphe et j’expose encore dans d’importants musées. Voici un poème chinois, composé au 18e siècle, que j’ai calligraphié. En gros, ce poème explique que lorsque l’on voit, dans le miroir, notre visage vieilli par les années, on doit s’en féliciter et s’en réjouir. C’est une philosophie à laquelle j’adhère complètement; je suis très heureux d’être âgé.
Mon conseil pour les plus jeunes générations est d’être, comme moi, extrêmement discipliné. Ça prend un esprit fort et beaucoup de détermination pour vieillir en santé.
Il faut faire les mêmes choses dans le même ordre chaque jour. Par exemple, tous les matins, je mesure ma température, mon rythme cardiaque et ma pression. J’ai un podomètre et je m’impose de marcher 5 000 pas par jour.
Je mange, en petite quantité, des aliments sains. J’aime les sucreries, mais je les évite car je veux conserver mon poids. Généralement le matin, je déjeune avec du riz brun, des légumineuses, des légumes et de la soupe miso. Le soir, je mange sensiblement la même chose, mais j’ajoute un peu de viande. Deux repas par jour suffisent amplement.
J’ai un journal dans lequel je fais l’inventaire de tout ce que je mange. Mes enfants se moquent de mon zèle, mais ça m’est égal. Comme il est important de maintenir des liens sociaux, je m’impose aussi cette règle : je mange toujours en compagnie de ma famille.
Pour maintenir mon acuité intellectuelle, j’étudie la guitare traditionnelle et je joue aux échecs une fois par semaine.
Yama Shiro, 93 ans
village d’Ogimi-son, archipel d’Okinawa, Japon
L’important pour vivre vieux est de bien manger et en petite quantité : il faut se nourrir d’algues, de miso, de tofu, de riz et de légumes ainsi que d’un peu de poisson ou de viande. Il faut aussi boire du thé tout au long de la journée et dormir longuement.
La musique et la danse contribuent aussi à la qualité de vie et au bonheur. J’adore aller voir des concerts et participer à des karaokés!
Haruko Kuniyoshi, 100 ans
village de Nakijin-son, archipel d’Okinawa, Japon
Je n’ai jamais pris de médicaments de ma vie car je n’en ai pas eu besoin; je n’ai même jamais attrapé un rhume. J’étais artisane professionnelle et je continue de faire du tricot. On a beaucoup parlé de moi et de mon travail dans les médias.
Je fais de l’exercice trois fois par semaine au camp de jour pour personnes âgées. J’adore y aller pour voir mes amis et socialiser. J’espère vivre encore très longtemps car je veux voir mes arrière-petits-enfants grandir. Pour moi, le bonheur c’est ma famille.
Je vous recommande d’être sincère, honnête et méticuleux et je vous souhaite à tous de vivre plus de 100 ans!
Hiroko Touyama, 98 ans
village de Nakijin-son, archipel d’Okinawa, Japon
J’ai eu deux professions : éleveuse de vers à soie et enseignante de calligraphie. Il faut méditer longuement avant de choisir son métier et lorsque l’on choisit, il faut persévérer et travailler avec acharnement. Aujourd’hui, je pratique encore la calligraphie pour le plaisir, je cultive des fleurs, j’écris chaque jour dans un journal et je vais souvent au camp de jour pour aînés. J’ai un bon tempérament; je suis toujours de bonne humeur, coopérative et pacifiste.
La guerre a été infiniment traumatisante pour moi et, si je pouvais m’adresser aux politiciens, je leur dirais ceci : s’il vous plaît, évitez la guerre à tout prix. Trouvez des solutions, des compromis, reculez devant l’ennemi, tout, mais plus jamais la guerre.
Photos prises au centre de jour pour aînés d’Ogimi-son.